Where Waters Meet, 2019

[2.31 atmospheres]
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[3.77 atmospheres]

Anticlockwise from the right

Archival pigment print on Hahnemühle Photo Rag Ultra Smooth paper

Dans sa série photographique Where Waters Meet, Charrière a capturé les apparitions fantomatiques de plongeur·ses nu·es descendant dans les abysses de grottes aquatiques mexicaines appelées cénotes. Tandis que leurs corps pénètrent la chimiocline – une couche obscure et mystérieuse d’eau souterraine gorgée de bactéries sulfureuses –, ils semblent se dissoudre, au sens figuré et métaphorique : ils s’enfoncent non seulement vers le fond marin, mais aussi dans leur psyché, entrant dans un état d’unité avec l’environnement que Sigmund Freud qualifiait de « sentiment océanique », ce sentiment d’être lié et d’appartenir au monde extérieur. Il s’agit d’une sensation primitive qui, selon Freud, peut sous-tendre le désir humain de transcendance ; de même, l’inconscient iconographique de Where Waters Meet évoque une mer d’allusions métaphoriques.

La série illustre à la fois cette plongée métaphysique et la descente physique des personnes qui plongent, et pour lesquelles, l’eau est non pas un environnement, mais un miroir, qui ne reflète que jusqu’à une certaine limite, avant de devenir absorption. Sur cette surface liquide, les individus se rencontrent d’abord eux-mêmes, ils y croisent leur propre regard pour ensuite la dépasser et laisser derrière eux l’image familière. Ils pénètrent alors dans un univers où seule subsiste la pression des profondeurs. L’océan devient alors non seulement la toile de fond de cette sensation océanique, mais son incarnation même – un espace où le soi et le monde se confondent.

En représentant la chimiocline, la série propose une image du système océanique qui s’est considérablement complexifiée ces dernières décennies ; la découverte de ces mondes-là à l’intérieur d’autres mondes est relativement récente. À mesure que nous comprenons mieux la mer, des domaines allant de la théorie de l’évolution à la science du climat se transforment légèrement. En glissant dans ce royaume jusque-là silencieux (invisible, impensé), les apnéistes de Charrière semblent pris dans une sorte de danse – chute gracieuse, d’où et vers quoi ?