

La poésie de la métropole. Les Affichistes
22 octobre 2014 – 11 janvier 2015
Bande annonce de l'exposition

Avant de collaborer, de se dédier mutuellement des oeuvres ou de se produire ensemble en public, les cinq artistes présentés avaient des origines et évolutions des plus différentes. Ils avaient néanmoins un point commun, leur mode de pensée et d’action touchant à toutes les disciplines possibles : performances, poésie, onomatopées, théâtre, happening, photographie, film, autant de domaines qui prirent forme à travers le procédé et médium du décollage. En même temps, leurs oeuvres – allant de toutes petites études aux gigantesques formats – renferment un potentiel pictural dont l’aspect et figuratif et abstrait semble relever aussi bien de l’évidence que du hasard. François Dufrêne était à l’origine créateur de mots et de sons, lettriste et ultra-lettriste, et quand il s’appropriait des affiches, c’était pour jouer sur les formes et les mots, pour en donner une interprétation qui obscurcisse et éclaire à la fois des fragments formels abstraits, mais aussi parce qu’il était fasciné par la temporalité, l’empreinte et le procédé archéologique de la stratification, comme en attestent ses versos d’affiches détachées.

Tout ce matériau met la métropole, dans une « productivité autopoétique », à disposition du promeneur attentif et réceptif – Paris pour Dufrêne, Hains, Villeglé et même Vostell, ou bien Rome pour Mimmo Rotella. Rotella, qui rallia le cercle des « Nouveaux Réalistes » après avoir fait la connaissance de Restany, expérimenta les décollages de son côté dès 1953, indépendamment des autres Affichistes. Après des collages plus anciens encore, apparaissent dans une certaine ressemblance formelle ses premiers décollages et dos d’affiches qui, en tant que véritables images matérielles, traitent également d’archéologie et révèlent la qualité particulière du papier altéré par les intempéries ainsi que du support sur l’envers. Contrairement à Hains et Villeglé, Rotella intervient cependant aussi directement dans la surface pour faire ressortir certaines structures, motifs et accumulations. Après 1960, ses décollages portent sur d’autres objets et il s’intéresse désormais surtout aux produits bariolés que propage le monde de la consommation et aux affiches de films. Sur ce point, il rejoint Villeglé qui éprouve la même fascination pour les images populaires de la publicité, et ils deviennent ainsi des pionniers du pop art. Ce n’est pas seulement en rapport avec les affiches arrachées que Wolf Vostell emploie pour sa part la notion de « dé-coll/age » comme terme artistique global pour souligner le principe de déconstruction comme procédé de création. Il a ainsi utilisé des affiches lacérées dans son premier happening de 1958 Le théâtre est dans la rue, au cours duquel le public était appelé à citer des fragments de textes ou à reproduire des gestes fractionnés. Chez Vostell, l’actionnisme et ses éléments de traitement ou de recouvrement (par le public) complètent le processus de la sélection et de l’appropriation.

L’exposition Poésie de la métropole couvre la période de 1946 à 1968, et porte une attention particulière sur les tout débuts des affichistes, sur leurs expériences et collaborations dans les domaines de la photographie, du film et de la poésie. La présentation de ces cinq artistes par leurs oeuvres majeures n’a été rendue possible que grâce à un grand nombre de prêteurs qui ont très généreusement soutenu notre projet, ce qui, compte tenu de la fragilité des « travaux sur papier », n’allait pas de soi. Cette présentation est conçue à la manière d’un espace-ville dans une organisation chronologique et thématique ; les grands formats abstraits et décollages figuratifs y sont ainsi mis en valeur, tout comme le thème des affiches politiques et la fascination pour le texte, la texture, la structure.
Dans le cadre de cette exposition est proposée à Bâle une riche programmation de concerts, films et manifestations poétiques et littéraires, qui remet dans le présent le caractère accidentel de cette fascinante forme artistique. L’exposition est curatée par Roland Wetzel, directeur du Musée Tinguely, et Esther Schlicht, conservatrice à la Schirn Kunsthalle de Francfort.
L’exposition est une collaboration entre le Musée Tinguely, Bâle et la Schirn Kunsthalle de Francfort où elle sera exposée du 5 février – 25 mai 2015.
Publication
À l’occasion de l’exposition paraît un catalogue publié par Snoek Verlag, richement illustré et avec des contributions de Bernard Blistène, Fritz Emslander, Esther Schlicht, Didier Semin, Dominique Stella et un entretien entre l’artiste Jacques Villeglé et Roland Wetzel, version allemande/anglaise, 280 pages, prix à la boutique du Musée : 42 CHF, ISBN : ISBN: 978-3-9523990-8-8