La roue =
c'est tout

Jean Tinguely avec Moulin à Prière à la galerie Iolas, Paris, 1963, photo: Monique Jacot

La roue = c’est tout
Présentation de la collection

à partir de 8 février 2023

 

Selon Jean Tinguely, « nous vivons dans une civilisation de la roue ». Aujourd’hui, notre vie est toujours déterminée par le rapport entre l’homme et la machine ainsi que ses interdépendances que Tinguely se plut à déconstruire. À travers un parcours éclectique proposant de nombreuses activités participatives, la nouvelle présentation de la collection nous invite à découvrir son œuvre de jeunesse empreinte de fragilité et de poésie, ses actions explosives et ses collaborations des années 1960, ainsi que ses œuvres tardives tour à tour musicales, monumentales et plus sombres.

Pour la première fois depuis la création du musée en 1996, la collection d’œuvres de l’artiste, dont l’enrichissement est constant, est de nouveau exposée dans la grande halle. Augmentée de plusieurs prêts d’œuvres emblématiques, une large vue d’ensemble s’ouvre ainsi sur le travail de Jean Tinguely, dont l’affirmation « La roue = c’est tout » sert de fil rouge. Le motif de la roue jalonne non seulement toutes les périodes de création de l’artiste, mais témoigne aussi de sa conviction selon laquelle les évolutions au fil du temps doivent s’exprimer dans l’art.

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Jean Tinguely, Méta-Matic No. 6, 1959

Après avoir travaillé comme décorateur de vitrines à Bâle à la suite d’un apprentissage à la Kunstgewerbeschule, Tinguely franchit un pas décisif pour sa carrière : en s’installant à Paris en 1952, il dispose de nouvelles sources d’inspiration et de précieux contacts au sein du milieu artistique. La première salle de la présentation de la collection met en évidence l’inventivité et l’innovativité de Tinguely. Elle est consacrée à ses premières œuvres mobiles des années 1950 – les sculptures en fil métallique et les reliefs – qui lui permettent de s’établir comme pionnier de l’art cinétique. En 1959, il réussit une percée artistique avec l’invention des machines à dessiner, les Méta-matics. En faisant participer le public, il questionne non seulement les notions traditionnelles d’œuvre d’art et d’artiste, mais aussi les structures sclérosées du marché de l’art capitaliste.

La roue "le début de tout" - la mobilité totale, la folie, la vitesse, la quantité industrielle

Jean Tinguely, 1966

Visite de la présentation des collections avec le directeur et commissaire d'exposition Roland Wetzel et l'assistante de recherche Tabea Panizzi.

Jean Tinguely, Hannibal II, 1967

Jean Tinguely, Hannibal II, 1967

En 1960, Jean Tinguely s’associe à d’autres artistes pour former le groupe des Nouveaux Surréalistes qui poursuit l’objectif de réduire le fossé entre l’art et la vie. Parallèlement, Tinguely commence à fabriquer des œuvres à l’aide de ferraille et de matériaux ordinaires. Dans la présentation de la collection, celles-ci sont mises en regard avec la série de sculptures noires réalisées ultérieurement à partir du milieu des années 1960. Recouverts de peinture noire, les composants de ces sculptures s’effacent au profit des différentes séquences de mouvements – tantôt légers et élégants, tantôt lourds et terrifiants – inscrites dans ses machines.

Aufbau von HON im Moderna Museet, Stockholm, 1966, Foto: Hans Hammarskiöld © Hans Hammarskiöld Heritage

Construction de « HON », Moderna Museet, Stockholm, 1966, photo : Hans Hammarskiöld, © Hans Hammarskiöld Heritage

Des actions et des happenings de Tinguely, ainsi des projets collectifs menés avec des ami.e.s artistes forment un axe fort de la présentation de la collection. Ceux-ci l’entraînèrent hors de son atelier, de Paris à New York en passant par Londres jusque dans le désert du Nevada ; de Stockholm à Milan jusqu’à Milly-la-Forêt avant un retour à Bâle. Des études, des photographies et des films, ainsi que des fragments préservés illustrent combien l’œuvre de Tinguely fut protéiforme et novatrice. Ses actions et projets amusaient autant qu’ils provoquaient : ils brisèrent toutes les conventions de l’histoire de l’art de l’époque.

L’éloge de la Folie, visible de nouveau pour la première fois depuis plus de vingt ans, constitue un autre temps fort de la présentation. Cette pièce majeure des années 1960 représente les multiples collaborations artistiques de Tinguely. Semblable à un jeu d’ombres surdimensionné, cette œuvre de couleur noire, plane, de 5 x 7,5 mètres, composée de roues et éclairée à l’arrière, attire les regards. À l’origine, elle formait un élément du décor scénique d’un spectacle de danse éponyme, dont la première eut lieu au Théâtre des Champs-Élysées à Paris en 1966. À l’époque, un danseur mettait en mouvement les roues de cet assemblage à partir d’un support s’apparentant à un vélo. Aujourd’hui, celui-ci est actionné à l’aide d’un moteur électrique. Une silhouette humaine continue toutefois d’exprimer l’interdépendance entre l’homme et la machine de manière éminemment poétique.

Jean Tinguely, Fatamorgana, Méta-Harmonie IV, 1985

Jean Tinguely, Fatamorgana, Méta-Harmonie IV, 1985

En 2023, la nouvelle présentation de la collection permet aux machines musicales de Jean Tinguely, à l’instar de Fatamorgana – Méta-Harmonie IV (1985) ou de Méta-Harmonie II (1979), ainsi qu’à Grosse-Méta-Maxi-Maxi-Utopia (1987), œuvre dans laquelle il est possible d’entrer, de retrouver leur place au sein de la halle conçue à l’origine par l’architecte Mario Botta pour les œuvres monumentales de Tinguely. Dans cet espace, les œuvres se mettent en mouvement à intervalles réguliers, afin que le visiteur puisse les observer les unes après les autres.

Jean Tinguely, Hippopotamus, 1991

Pour finir, un entresol nouvellement aménagé met l’accent sur l’œuvre tardive de Tinguely exécutée dans les années 1980. Celle-ci se distingue par son caractère sombre et souvent sacré résultant de l’intérêt de l’artiste pour les thèmes de l’impermanence et de la mort. Ces aspects participent également à sa fascination pour le sport automobile. La perfection du lien entre l’homme et la machine, mais aussi le risque latent d’accident, de chaos et de mort fascinent Tinguely tout au long de sa vie. Sa présence renouvelée à des courses de Formule 1 lui permettent également d’acquérir un nouveau matériau artistique : il ne cesse d’intégrer, outre des crânes d’animaux, des fragments de voitures de course endommagées à ses dernières machines.

Commissaire de l'exposition: Roland Wetzel, assisté par: Tabea Panizzi