Wim Delvoye, Cloaca – New & Improved, 2001, Techniques mixtes, 270 x 1157 x 78 cm, Installation au Ernst Museum, 2008, Budapest, © 2017 ProLitteris, Zurich / Wim Delvoye Photo: Studio Wim Delvoye, Belgique

Wim Delvoye, Cloaca – New & Improved, 2001, Techniques mixtes, 270 x 1157 x 78 cm, Installation au Ernst Museum, 2008, Budapest, © 2017 ProLitteris, Zurich / Wim Delvoye Photo: Studio Wim Delvoye, Belgique

Wim Delvoye

14 juin 2017 –  1er janvier 2018

En 2017, le Musée Tinguely consacre à l’artiste belge Wim Delvoye sa première rétrospective en Suisse. Depuis la fin des années 1980, Delvoye est connu pour des œuvres qui mêlent avec un humour subtil le profane et le sublime. La tradition croise l’utopie, l’artisanat devient high-tech. Ses œuvres les plus célèbres sont les Cloacas : ces machines digestives qui reproduisent le processus de l’élimination par le corps humain rendent visible et tangible une constante de notre existence. Ses dernières reproductions de machines de construction et de poids lourds, tout empreintes d’ornementation gothique, révèlent l’engouement de l’artiste pour l’expérimentation esthétique et le monumental. L’exposition à Bâle, conçue en collaboration avec le MUDAM Luxembourg, montrera du 14 juin 2017 au 1er janvier 2018 tout ce que Wim Delvoye a réalisé depuis ses débuts jusqu’aux œuvres les plus récentes.

Wim Delvoye, Chantier – Labour of Love, 1992, bois exotique, dimensions variables, Collection Musée national d'histoire et d'art, Luxembourg © 2017 ProLitteris, Zurich / Wim Delvoye Photo: Studio Wim Delvoye, Belgique

Wim Delvoye, Chantier – Labour of Love, 1992, bois exotique, dimensions variables, Collection Musée national d'histoire et d'art, Luxembourg © 2017 ProLitteris, Zurich / Wim Delvoye Photo: Studio Wim Delvoye, Belgique

Au début figurent des dessins d’enfant, que l’on peut tout à fait interpréter comme le fondement d’un travail ultérieur. Franchise, curiosité, folie des grandeurs, goût de l’altérité – autant d’aspects qui caractérisent jusqu’à aujourd’hui l’œuvre et la nature de Wim Delvoye. Son art porte la marque des Flandres : tradition, artisanat, technique, le tout associé à une ouverture au monde, à l’imaginaire et l’utopie, ce en quoi il rejoint des artistes comme James Ensor, Paul Van Hoeydonck ou Panamarenko. En même temps, Delvoye est en plein dans le monde, il travaille avec des artisans d'Indonésie, de Chine ou d’Iran – les frontières semblent ne pas exister. L’écusson de sa patrie se trouve sur les Ironing Boards (1990), tandis que les 18 Dutch Gas-Cans (1987–1988) sont ornés de peintures de la porcelaine de Delft. Les imposants tubes d’acier de Chantier V (1995) sont soutenus par des pieds en porcelaine spécialement conçus; la bétonneuse et les barrières de Chantier I (1990–1992) sont en revanche délicatement taillées dans le bois. Les procédés se mélangent, les matériaux entretiennent une tension créative. Le banal devient ornement artistique, l’art populaire devient muséal.

Wim Delvoye, Tim, 2006-2008, Peau tatouée, grandeur nature Vue d'installation au MONA, Hobart (AUS), 2010 © 2017 ProLitteris, Zurich / Wim Delvoye Photo: Studio Wim Delvoye, Belgique

Wim Delvoye, Tim, 2006-2008, Peau tatouée, grandeur nature, vue d'installation au MONA, Hobart (AUS), 2010 © 2017 ProLitteris, Zurich / Wim Delvoye Photo: Studio Wim Delvoye, Belgique

C’est en 2001 que Delvoye crée Cloaca, dont suivront neuf autres jusqu’en 2010. Ces machines complexes reproduisent dans des conditions de laboratoire la digestion humaine au moyen d’enzymes et autres substances. L’être humain, ou plus précisément son organe le plus important – le tube digestif de la bouche jusqu’à l’anus – est reconstitué à part et rendu ainsi visible. Ce n’est pas la forme des organes qui compte ici, mais uniquement leur fonction. Les premières Cloacas, comme la deuxième Cloaca New and Improved (2001) montrée au Musée Tinguely, sont encore conçues comme des machines de laboratoire strictement scientifiques. Cloaca Quattro (2004–2005) déjà, présentée pour la première fois en 2005 dans l’exposition La Belgique visionnaire, renonce à la froideur du « look de laboratoire » : avec ses machines à laver et ses moteurs ouverts, elle est plus un assemblage de machines. Cloaca Travel Kit (2009–2010) rompt quant à elle avec le sérieux de l’affaire; montée dans une valise, elle est utilisable à tout moment partout dans le monde.

 

La rupture ironique est un procédé que Delvoye emploi souvent et volontiers. La confusion ainsi suscitée chez l’observateur fait partie de son répertoire artistique. Ainsi à Bâle, lors de l’inauguration de l’exposition et du salon ART Basel, où il présente Tim (2006–2008), le Suisse qui a vendu sa peau d’abord à l’artiste pour la faire tatouer puis à un collectionneur: là, l’artistique pose forcément la question de l’éthique. 

Wim Delvoye, Cement Truck, 2016  Vue d'installation au Parc de la Solitude, Bâle Acier Corten découpé au laser 410 x 950 x 215 cm Sepherot Foundation, Liechtenstein © 2017 ProLitteris, Zurich / Wim Delvoye  Photo: Daniel Spehr

Wim Delvoye, Cement Truck, 2016, vue d'installation au Parc de la Solitude, Bâle, acier corten découpé au laser 410 x 950 x 215 cm, Sepherot Foundation, Liechtenstein © 2017 ProLitteris, Zurich / Wim Delvoye Photo: Daniel Spehr

On ne peut s’empêcher de poser des questions – auxquels il revient à chacun d’apporter sa réponse. Cement Truck (2012–2016), un camion à ciment de taille normale, est « garé » dans le Parc Solitude qui jouxte le Musée Tinguely. L’engin est constitué de plaques d’acier Corten découpées au laser de manière à évoquer des ornements gothiques. Cette même esthétique est reprise dans Suppo (2010), une forme de cathédrale néogothique tout en longueur, contorsionnée, ne représentant qu’un clocher ornementé.

 

L’exposition entraîne les visiteuses et les visiteurs à la découverte du travail d’un artiste qui ne cesse de se réinventer. Le plaisir de la nouveauté et de la surprise y est partout sensible. Et en même temps, sculptures et dessins proposent une magnifique réflexion sur l’art, sur la vie, sur notre monde.

 

 

Wim Delvoye est né en 1965 à Wervik, Belgique. Il vit et travaille à Gand et Brighton.

 

L’exposition a été réalisée en collaboration avec le MUDAM Luxembourg.
Curateur de l’exposition: Andres Pardey