Jeux de Ficelle / String Figures

Piet Esch, «Ruth Altenbach and Dunia Lingner playing String Figures», 2024. Digital Video / Screenshot. Courtesy of the Artist / Point de Vue.

Jeux de Ficelle / String Figures
Une exposition de recherche

20 novembre 2024 – 9 mars 2025

Tendues entre huit doigts et deux pouces, parfois entre les orteils et les dents, les ficelles dessinent des figures. Les jeux de ficelle sont capables de multiples choses : ils racontent des histoires, sont un passe-temps, rendent visible l’ineffable et relient les gens. Technique culturelle parmi les plus anciennes de l’humanité, ils ont inspiré artistes, performeur.euses, ethnologues et théoricien.ne.s. En tant que pratique esthétique, artefact muséal et concept non-occidental, les jeux de ficelle constituent un objet de réflexion pour la science et l’art.

Maureen Lander, String Games (detail), 1998.
Rope, nylon fishing line, fluorescent paint, string, cardboard, paper, linen, glue, video, photographs, UV light. Collection of Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa, commissioned 1998. Photo courtesy of Christchurch Art Gallery Te Puna o Waiwhetū.

Maya Deren, pionnière du cinéma expérimental, a ainsi filmé Marcel Duchamp, après son émigration aux États-Unis, en train d’exécuter un jeu de ficelle, juste après que celui-ci a épuisé des kilomètres de ficelle pour concevoir son exposition surréaliste. Pour sa part, Maureen Lander a décolonisé la Boîte-en-valise de Duchamp en remplissant son célèbre petit musée-valise de photographies de jeux de ficelle māori. Dans un de ses Screen Tests, Andy Warhol a filmé Harry Smith, à la frontière entre folklore et art, exécutant un jeu de ficelle. Enfin, David Ket’acik Nicolai, ingénieur originaire de l’Alaska, réalise des figures que lui a enseignées sa grand-mère sur TikTok, sous le nom de Yu’pik Dave.

Siena Miḻkiḻa Stubbs, Miyapunu (turtle), 2019, soft ground etching. Courtesy of the Artist.

En ethnologie, les figures de ficelle ont longtemps été considérées comme un jeu universel. Pratique corporelle qu’on rencontre à de nombreux endroits du monde, elle a nourri l’imaginaire épistémologique d’une comparaison culturelle qui devait permettre de renseigner sur des routes migratoires ou sur l’humanité universelle. Dès 1888, Franz Boas décrivit les figures de ficelle des Kwakiutl. Par la suite, des ethnologues (féminines souvent) européo-américain.e.s ‘collectèrent’ des figures de ficelle puis les montèrent sur des feuilles de carton, des dessins ou des photographies. Cependant, de tels supports ne permettent pas de comprendre l’élaboration de ces figures, aussi on élabora des systèmes de notation complexes. Les ethnologues ont également réalisé des films de joueur.euse.s de ficelle afin de rendre justice au caractère processuel, performatif et matériel du jeu de ficelle. Certains de ces films se trouvent dans l’Encyclopaedia Cinematographica, dont l’objectif consistait à collecter le monde sur celluloïd et à le préserver au sens d’une ethnologie de sauvetage pour la postérité.

Nasser Mufti, Multispecies Cat’s Cradle, 2011. Digital print. Courtesy of the Artist.

 

Hans-Rudolf Haefelfinger, Mitteleuropa, Basel-Land - Fadenspiele, 1975 (still). 16mm film from the collection of the Encyclopedia Cinematographica. Provided by the German National Library of Science and Technology (TIB). With the kind permission by the performers Dunia Lingner and Ruth Altenbach.

Ces dernières années, le jeu de ficelle a gagné en importance dans le domaine de la théorie de la culture. Donna Haraway met en avant ses string figures comme méthode pour une pensée et une collaboration interdisciplinaire et interespèces. Contrairement à la métaphore du réseau, les string figures d’Haraway proposent une façon ludique de penser, axée sur le processus, incarnée et tournée vers la responsabilité mutuelle.

 

L’exposition réunit art, anthropologie et théorie. Elle rassemble des individus de différentes régions du monde et explore des façons de jouer ensemble sur les ruines de notre histoire.

L’exposition est accompagnée d’une publication en langue anglaise (256 p.) comportant de nombreuses reproductions en couleur et des contributions de Paul Basu, Mareile Flitsch, Ute Holl, Ines Kleesattel, Adam Piron et bien d’autres. Elle paraîtra en février 2025 chez Diaphanes et sera disponible à la boutique et en librairie du musée au prix de 40 CHF.

Commissariat d’exposition : Mario Schulze et Sarine Waltenspül, co-commissariat Andres Pardey

Avec des œuvres de :

Maya Deren, Mulkuṉ Wirrpanda, Moritz Greiner-Petter, Donna Haraway, Maureen Lander, Caroline Monnet, Nasser Mufti, David Ket’acik Nicolai, Christoph Oeschger, Harry Smith, Edgar Calel et Maju Vicentin, Jan Bachmann, Katrien Vermeire, Piet Esch, Siena Miḻkiḻa Stubbs, Toby Christian, Seraina Dür et Jonas Gillmann, Andy Warhol, Isabel McLeish, et autres.

 

En collaboration avec :

Buku-Larrnggay Mulka Center Yirrkala, Völkerkundemuseum der Universität Zürich, Harry Smith Archives, Te Umanibong/Culture et Museum Department Kiribati, Point de Vue Basel, Ethnologisches Museum Berlin, International String Figures Association, Philip Noble, Rufus Cohen, séminaire de l’étude des médias de l’Université de Bâle, et le SNF-Projekt “Visualpedia. ‘Atlas Encyclopaedia Cinematographica’ et die Visual Science and Technology Studies”, Université de Lucerne.