L'Esprit 60 de Tinguely

15 novembre 2000 – 22 avril 2001

Après l’exposition L’Esprit de Tinguely à Wolfsburg, qui a rencontré un grand succès et qui présentait l’œuvre du plasticien suisse sur fer (1925–1991), certaines sculptures de machines, provenant de la collection du Musée Jean Tinguely, telles que Klamauk et Lola T. 180, sont à nouveau présentées à Bâle. Contrairement à Wolfsburg, une exposition permanente présente une collection étendue des sculptures de Tinguely à Bâle. Ainsi, de novembre à mai de l’année prochaine, sous le titre L’Esprit 60 de Tinguely, ses travaux des années 60 sont mis en lumière.

Pendant cette décennie, Tinguely a développé toute la palette de ses vocabulaires artistiques qui sont à la base de sa renommée mondiale de «plasticien du mouvement». Comme d’autres artistes de l’avant-garde internationale, il tente de gommer les frontières entre la vie et l’art. Dans un temps marqué par des changements et des progrès permanents, Tinguely crée des œuvres d’art avec des matériaux provenant de la vie de tous les jours et dont l’expression centrale est le mouvement.

Des objets trouvés et des restes de la société de consommation et de déchets, qu’il trouve à la décharge, lui servent de composants pour ses plastiques motorisées. Son action spectaculaire avec la construction d’une machine autodestructrice et explosive Hommage à New York, devant le Museum of Modern Art, prouve son obsession pour un anti-art éphémère. C’est surtout cet aspect de son œuvre des années soixante qui fait partie des performances de pionnier de Tinguely.

Pendant la deuxième moitié de la décennie, Tinguely donne un aspect unifié à ses sculptures en les peignant de couleur noire, la provenance de matériaux étant ainsi mise à l’arrière-plan. En dépit de la réminiscence à la sculpture classique, l’artiste munit ces œuvres également d’un humour équivoque.

A la productivité des machines industrielles il oppose ses machines artistiques, totalement improductives, qui, même si leurs moteurs fonctionnent et leurs mouvements sont permanents, n’avancent pas.

Créées au début des années soixante, les plastiques en ferraille de Tinguely sont marquées par la présence des matériaux. Des pièces en fer, rouillées et tordues, des bicyclettes hors d’usage et des poussettes sont les composants des sculptures que ses amis, en mai 1960, ont tirées dans les rues à travers Paris dans un cortège officiel. Lui-même appelle son art «l’art fonctionnel» et il invente des œuvres qui, en incluant le public, présentent le processus de création d’une œuvre d’art, mais le mettent en même temps en question. Ainsi, Cyclograveur produit des dessins abstraits avec le concours de la force humaine, et La machine à casser les sculptures démolit des sculptures en plâtre avec un marteau. En transportant ces machines à la Galerie des 4 Saisons, Tinguely transfère les salles d’exposition traditionnelles du musée dans la rue et dans la vie de tous les jours.

Ses «Baloubas», créées entre 1961 et 1963, exposent leurs plumes, jouets en plastique, fourrures de renard et beaucoup d’autres «objets trouvés» par des danses sauvages et expressives. Avec des moteurs, Tinguely transforme ses sculptures, tel le Ballet des pauvres, en acteurs qui jouent des rôles gais, ironiques, mais en même temps absurdes et dramatiques. En automne 1962, Tinguely présentait ses radiosculptures en grand nombre à la galerie Alexandre Iolas à New York. A l’aide d’un petit moteur électrique, le bouton d’une radio démontée mais toujours fonctionnelle est bougé dans un mouvement de va-et-vient. Le résultat est un bruit incompréhensible, donc abstrait, déterminé par le hasard et qui fait d’un appareil utilitaire un trouble-fête inutile.

En 1963 déjà, des plastiques plus stables font leur apparition, leurs mouvements sont plus modérés et elles ont, par la couche de couleur noire, un effet plus sculptural. A cette époque déjà, Tinguely mettait en scène les contours expressifs de ses sculptures noires par un éclairage théâtral. Les mouvements de ses Chars, et particulièrement de Hannibal II, que l’artiste considère comme machines de combat et d’amour, sont ainsi particulièrement mis en évidence dans leur va-et-vient absurde et leur ironie.

A côté de ses figures Eos et Bascule, dont il pousse les mouvements basculants et circulaires jusqu’à la perte de l’équilibre de la sculpture, il construit également des œuvres monumentales, tel le relief Eloge de la Folie. L’attrait graphique impressionnant de la silhouette mobile a été voulu sciemment par l’artiste.

Créée en 1966 comme décor pour le ballet du même nom de Roland Petit, Eloge de la Folie est exposée à Bâle pour la première fois. S’y ajoutent des œuvres centrales des années soixante, également visibles à Wolfsburg, tel Le Chant du Cygne de Bambou (1963), Cyclograveur (1960) et les plastiques noires Casimir (1964), La Spirale, Clarissa et Gwenn (1965). Ces œuvres, exposées dans la grand salle du musée de Bâle, sont complétées par des prêts importants. Les plastiques de ferraille précoces Si c’est noir, je m’appelle Jean et Strubelpeter y jouent leur jeu, un groupe de «Baloubas» dansent leur farandole sauvage et des radiosculptures remplissent la salle de leur bruit confus mais néanmoins rythmique. Par des films et des documents photographiques, l’exposition fait revivre l’imminence et la radicalité de ses actions et happenings périssables. Dans une salle de vidéo nouvellement conçue dans le sous-sol du musée, la présence de Tinguely à New York, sa mise en scène d’une apocalypse en 1962 dans le désert du Nevada, End of the World no 2, et son happening La Vittoria devant la cathédrale de Milan en 1970, sont montrés sur grand écran.

A l’occasion de l’exposition L’Esprit de Tinguely à Wolfsburg, un catalogue richement illustré contenant des entretiens avec Daniel Spoerri, Pontus Hulten, Bernhard Luginbühl et Niki de Saint Phalle, des textes d’Annelie Lütgens, Margrit Hahnloser, Ad Petersen et Andres Pardey, a été édité par Hatje Cantz Verlag. 416 pages, prix: CHF 48.--.