Jean Tinguely: «A Bâle j’ai vécu avec la danse macabre»

15 novembre 2000 – 22 avril 2001

Du 15 novembre 2000 au 22 avril 2001, MENGELE – Totentanz (Danse macabre) de Jean Tinguely sera exposée dans un nouveau cadre à l’étage supérieur du musée Jean Tinguely de Bâle. L’œuvre est construite sur l’idée faustienne de l’artiste de captiver la mort dans le jeu démoniaque. Il a uni ses visions et ses expériences du périssable, de la mort et de la décadence avec l’imagerie du Moyen Age tardif telle qu’il a appris à la connaître dans sa jeunesse à Bâle. Les sculptures en mouvement, le bruit, la lumière et l’obscurité forment une installation grandiose avec un effet grotesque auquel le visiteur n’échappe que difficilement.

Les 14 sculptures sont composées d’objets que le collectionneur maniaque a récoltés dans les ruines d’une ferme incendiée à proximité de son atelier. Les œuvres des années soixante - auxquelles une exposition est dédiée pendant la même période dans la grande salle du musée – dont les surfaces des objets utilisés sont salies et rouillées, dévoilent l’intérêt que Tinguely porte à la vie quotidienne et à l’anti-art. Pour leur part, les œuvres noires démontrent un nouveau changement vers la sculpture classique et abstraite. Les objets trouvés, utilisés pour MENGELE – Totentanz (Danse macabre), sont des matériaux qui portent distinctement les stigmates de leur histoire: tous les bois et métaux sont marqués par la fureur monstrueuse de l’incendie dont Tinguely a été un témoin consterné et fasciné en même temps. L’ensemble des crânes, des mouvements saccadés et l’éclairage dramatique, voulu par Tinguely, forme un groupe de sculptures qui est en même temps burlesque et effrayant.

Comme aucune autre, cette œuvre est étroitement liée à la biographie de Tinguely:
Dès sa jeunesse, la connaissance de la mise en danger de l’existence humaine en général, et de sa propre vie en particulier, a préoccupé l’artiste. Jeune homme, Tinguely fut confronté, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au fait horrible de la destruction en masse de la vie humaine (que ce soit par la machine à tuer des Nazis ou la bombe atomique). Dans MENGELE – Totentanz (Danse macabre) l’on sent également les répercussions de la menace de mort qu’il a vécue lors de son opération du cœur.

Dès son enfance, Tinguely était familier avec l’imagerie du Moyen Age tardif de la danse macabre. Cette dernière est particulièrement bien représentée dans l’art bâlois. En effet, la danse macabre du prédicateur et l’Imagines mortis de Holbein sont des exemples connus et de haute qualité. Pour cette raison, Tinguely tenait beaucoup à ce que son MENGELE – Totentanz (Danse macabre) soit conservée dans la ville de son enfance. Car c’est également ici qu’il a trouvé le mécénat lui permettant de réaliser son plan de présenter MENGELE – Totentanz (Danse macabre) dans un local spécialement conçu à cet effet. L’exécution de ce projet par l’artiste lui-même fut cependant empêchée par son décès, survenu en 1991. Toutefois, le devoir de concrétiser sa vision fut finalement l’impulsion qui conduisit à la fondation du Musée Jean Tinguely.

Lors de sa grande rétrospective au Palazzo Grassi à Venise, dans la deuxième moitié de 1987, Tinguely avait déjà présenté son groupe de sculptures dans la petite église San Samuele. Les analogies avec les modèles moyenâgeux et baroques s’y manifestaient clairement. Par la suite, l’idée de placer MENGELE – Totentanz (Danse macabre) dans un espace spécialement conçu et ressemblant à une église, a toujours préoccupé Tinguely. La nouvelle présentation du groupe est basée sur cette idée de l’artiste. Elle donne l’occasion de démontrer l’ancrage du groupe de Tinguely dans la tradition de la danse macabre, vieille de plusieurs siècles, et de représentations apparentées: la première salle de l’exposition est dédiée à la confrontation artistique avec la danse macabre depuis le Moyen Age finissant. Face à l’abondance du matériel, il va de soi qu’aucun aperçu encyclopédique n’a été recherché. Le nombre incroyable de représentations de la danse macabre, dont les recherches occupent une branche entière de la science, prouve de manière impressionnante que l’attractivité du thème continue jusque dans les temps les plus récents. Aussi, l’exposition se limite en grand partie à la tradition bâloise, que Tinguely a connue lui-même, tout à fait dans l’esprit de sa revendication: «à Bâle j’ai vécu avec la danse macabre».

Il y a, au début, des prémices et des parallèles de la danse macabre, telles les représentations de la légende de la rencontre entre les trois vivants et les trois morts ou la confrontation entre l’homme et la mort de l’Ackermann aus Böhmen de Johann von Tepl. Les éditions de Ars moriendi, un recueil de règles pour une mort plaisant à Dieu, ou la représentation de squelettes dansants par Michael Wolgemut, provenant de l’œuvre historique de 1493, Liber chronicarum de Hartmann Schedel, sont des exemples particulièrement éminents.

La célèbre danse macabre de la «Predigerkirche» de Bâle et l’Imagines mortis, avec lesquelles Tinguely a été le plus intensément confronté, sont représentées par de nombreux tableaux et documents. De là, l’exposition s’étend vers des représentations importantes de la danse macabre datant des XVIIIe, XIXe et XXe siècles européens. Sont montrés, entre autres, Les apparitions de la Faucheuse à la manière Holbein de Johann Rudolf Schellenberg, les études intensives de la danse macabre d’Alfred Rethel du milieu du XIXe siècle, ainsi que la suite graphique troublante De la mort I de Max Klinger datant de 1889. Les points forts du XXe siècle sont deux cycles de gouaches et de gravures sur bois d’après la danse macabre de la «Predigerkirche» de Bâle de HAP Grieshaber des années 1965/66. Un exemple contemporain de la danse macabre – la vidéo The Dancing du jeune artiste polonais Pawel Althamer de 1997 – conduit vers l’occupation presque obsessive de Tinguely avec la mort et le périssable dans son œuvre tardive: comme le prouvent les nombreux dessins dans la salle adjacente qui illustrent ses plans pour une présentation de MENGELE – Totentanz (Danse macabre). Si, dans l’œuvre tardive de Tinguely, les motifs-Vanitas en relation avec la danse macabre apparaissent de multiples manières, ils trouvent toutefois dans ce travail d’installation une concentration extrême.

Avec cette exposition, le Musée Jean Tinguely met en lumière une nouvelle facette de la vie de l’artiste qui aimait la vie et le travail et qui disait de lui-même: «…j’ai toujours été bien avec le périssable…».

Un programme spécial accompagnant l’exposition englobe la thématique de la danse macabre dans la musique du XXe siècle. Ainsi, le 27 janvier 2001 à 15 h 00, le Dr Ulrich Mosch de la Fondation Paul Sacher parlera de la réalisation musicale de la danse macabre au XXe siècle. Et le 2 mars 2001 à 17 h 30, des membres des Swiss Chamber Soloists joueront «Des Todes Tod» de Paul Hindemith dans les salles de l’exposition.