Kurt Schwitters
MERZ – une vision totale du monde

1 mai – 22 août 2004

Réunissant environ 150 œuvres mises à disposition par des musées internationaux ainsi que de nombreux prêts de collectionneurs privés, que l’on a très rarement l’occasion de voir, l’exposition du musée Tinguely est la première depuis 1971 qu’un musée suisse consacre à l’œuvre original de Kurt Schwitters (1887 - 1948).

Relativement peu connu en Suisse, Kurt Schwitters figure parmi les grands précurseurs de l’art de la première moitié du 20e siècle. Après la Première Guerre mondiale, il constate, provocateur, que l’ «on peut aussi crier avec des ordures» et utilise à partir de ce moment, pour ses collages et ses assemblages, les matériaux les plus ordinaires qui lui tombent sous la main. En 1919, empruntant aux mots «Kommerz- und Privatbank», que l’on peut voir tronqués sur l’un de ses tableaux, la syllabe Merz, il invente son propre mouvement, l’art Merz, nom qu’il donnera à partir de là à tous les domaines – peinture, sculpture, architecture, poésie, théâtre, typographie et happening – de sa création artistique.

L’idée programmatique d’un univers Merz englobant tous les domaines de la vie et de l’art fait de lui le maître à penser et à créer de nombreux artistes de la génération de l’après-guerre. Il est, avec Marcel Duchamp, le modèle de Jean Tinguely: «J’étais totalement ‘enschewittré’, je n’en avais que pour Schwitters».

Au centre de l’exposition se dressera le Merzbau, assemblage spatial monumental, point culminant de l’œuvre d’art totale, à laquelle l’artiste travaille à partir de 1923 dans son atelier et son logement de Hanovre. Ce que l’on en voit est une reconstitution de l’original, entièrement détruit en 1943, dont Harald Szeemann et Peter Bissegger, qui se sont appuyés sur des photos originales, ont eu l’idée et à l’intérieur de laquelle le visiteur peut se promener. Elle est complétée par des photos et des textes ainsi que des reliefs, des collages et des œuvres plastiques de la fin des années vingt, illustrant l’influence qu’eut sur Schwitters le constructivisme. Sont également présentés, les trois autres projets de Merzbau, eux aussi détruits, que l’artiste avait conçus alors qu’il était en exil en Norvège, puis en Angleterre.

Plus loin, quatre salles consacrées à des dessins et des images Merz datant de toutes les époques de la vie de Schwitters, des lithographies des premiers temps, des dessins réalisés au timbre et des aquarelles dada des années vingt, des «i-Zeichnungen» réalisés avec des déchets d’imprimerie ainsi que, éditée et conçue par lui, la revue Merz et la Ursonate, la sonate primitive, illustrent une conception de l’art qui abolit les frontières entre les genres.

Organisée par groupes thématiques, l’exposition permet en outre d’appréhender des aspects occupant aussi une place centrale dans l’œuvre de Tinguely: collage et montage, motifs et matériaux empruntés au mode de vie technicisé de la vie urbaine pour montrer les ridicules du machinisme, mise en jeu du hasard, recours à des objets manufacturés comme moyen artistique et évocation d’associations à double sens, ambiguës qui, en impliquant le spectateur, font de lui un élément de l’œuvre d’art.

Outre des documents, l’exposition permettra de voir environ 150 œuvres spécialement confiées au musée pour l’occasion. Parmi celles-ci d’exquis collages, des assemblages et des reliefs délicats, rarement prêtés, ainsi que dix sculptures. Beaucoup d’œuvres proviennent de collections privées et n’ont souvent pas été exposées depuis plusieurs décennies. C’est le cas des hommages à Carola Giedion-Welcker, Jan Tschichold et Friedrich Vordemberge-Gildewart, des feuilles spéciales des collections de Willi Baumeister, Max Bill ou Jasper Johns, soit encore, provenant de collections privées, de l’important Bäumerbild (1920) ou de la Heilige Sattlermappe (1922), de même que de reliefs grandioses comme le Richard Freytagbild (1927) ou Violinschlüssel (1923/27). On notera également l’importante participation de galeries telles que Kornfeld, Marlborough, Janis et Gmurzynska, qui ont toujours été des promoteurs de l’œuvre de Schwitters. A signaler aussi, les importants prêts du Kunstmuseum de Berne, du Wilhelm-Hack-Museum de Ludwigshafen, du Kunstmuseum de Winterthur et de Zoug, du Musée d’art et d’histoire de Genève, de l’IVAM Centre Julio González, à Valence, du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg ou du Muzeum Sktuki à Lodz, de la Nationalgalerie de Berlin, du Museum of Modern Art de New York ou de la Menil-Collection de Houston. Formant le fond de l’exposition, une quarantaine d’œuvres, dont la reconstitution du Merzbau, nous ont en outre été prêtées par notre «partenaire», le Sprengel Museum de Hanovre, ainsi que par la Fondation Kurt et Ernst Schwitters, qui lui est associée.

Dans une autre zone de l’exposition sont présentées les démarches multiculturelles et multifonctionnelles de Jean Tinguely. L’idée d’une construction habitable que, fortement influencé par le Merzbau et la Merzbühne, il avait en tête y est montrée par l’intermédiaire d’une projection sur grand écran du Cyclop de Milly-la-Forêt ainsi que de dessins, de modèles et de photos des «stations culturelles», à la réalisation desquelles il travailla à partir du début des années soixante avec ses amis.

A l’occasion de l’exposition paraîtra aux éditions Benteli-Verlag, Berne, un catalogue abondamment illustré en allemand et en anglais. Env. 264 pages, au prix de 59.- CHF.